Sumba, l’âge de fer

[Article en retard, Mai 2018]

Bienvenue à Sumba, croyances ancestrales et huttes de gaulois… ici, le temps semble s’être arrêté.

Une longue journée de transports nous attend depuis Jakarta. Sumba est en effet plus proche de l’Australie que de Java…Pour y accéder, pas de vol direct, il faut faire escale. Pour l’aller, ce sera Kupang qui se situe au Timor.

Surnommée l’île du Santal pour le bois précieux qui recouvrait ses terres, Sumba fait partie des petites îles de la Sonde.

Si Sumba est deux fois plus grande que Bali, elle est cependant totalement en dehors des sentiers battus. C’est surtout une des îles les plus pauvres d’Indonesie où les habitants ont le sang chaud et des croyances étranges…

Notre vol entre Jakarta et Kupang est très scénique. En moins de deux heures nous survolons les volcans de Java, le Agung de Bali, les îles Gili ainsi que le Rinjani et son lac parfaitement decouverts.

Notre deuxième vol se fait en ATR, ces petits avions à hélice qui font des sauts de puces entre les îles indonésiennes.

Deux heures plus tard, nous atterrissons enfin à Tambolaka, le petit aéroport du nord ouest de l’île de Sumba .

Le ciel bleu laisse place aux nuages menaçants et à quelques gouttes de pluie. Pas suprenant puisque que l’ouest de Sumba abrite une jungle verdoyante.

A la sortie de l’aéroport, nous retrouvons Mas Dedi, notre chauffeur. La cigarette au bec, il nous embarque dans son mini van.

Il nous reste encore deux heures de route avant d’arriver à notre destination finale, la plage de Kerewei située au sud ouest.

La première heure se passe sans encombre. La route est bonne jusqu’à la ville de Waikabubak. Ensuite, ça se corse un peu. On se retrouve à zigzaguer entre les trous et les troupeaux de buffles.

Les lumières du soleil tombant sont époustouflantes! La partie ouest de Sumba étant la plus verte de l’île, nous traversons des paysages vallonés et couverts de jungle.

Après plus de 12h de transport, nous arrivons à la nuit tombante au Sumba Surf Camp.

A première vue, on est un peu surpris car ça ne ressemble absolument pas aux photos repérées sur Google!

On arrive devant une grande maison à deux étages qui abrite un espace commun cuisine au rez de chaussée et des chambres dortoirs aux étages dédiés aux surfeurs.

Deux bungalows fraichement construits avec le toit traditionnel sumbanais trônent dans le jardin, disponibles pour les surfeurs et les NON surfeurs comme nous!

Vu que c’est la première fois que l’on met les pieds dans un surf camp, on est assez curieux….

Passées les présentations usuelles indonésiennes avec le staff de l’hôtel ( Hello miss, how was your flight? what’s your name? how old are you? is he your husband? do you have kids? No kids?!!! Me I’m 22 years old and I have 3 kids…😐), nous découvrons enfin notre logement pour les deux prochaines nuits.

Avant que la nuit ne tombe complètement, on pose les sacs et on part aussitôt en repérage. La plage est à 50 mètres du bungalow, on devrait dormir au son des vagues cette nuit! Un immense sentiment de bout du monde nous envahit…

Un peu affamés, on décide d’aller voir du coté de la cuisine commune. Le principe du surf camp, c’est de prendre les repas tous ensemble. Les surfeurs étant encore sur le chemin retour, nous devons prendre notre mal en patience autour d’une Bintang.

Et puis les voila qui arrivent…Corps musclés et cheveux blonds, planche sous le bras et swag assuré…

Belges, américains, australiens…peu importe! Ici ce qui compte et rend plus fort c’est la taille de ta longboard, le swell de ta wave et le nombre cicatrices dans ton dos!

On se fait discrets en espérant inutilement échapper à LA question … Are you here for surfing?

Non!

(Il faut faire des réponses simples et courtes aux surfeurs)

Mine interloquée, yeux effarés, état de choc avancé

A partir de là, deux écoles s’affrontent. Les surfeurs sympas, qui vont quand même faire l’effort de nous adresser la parole… au moins pour nous demander de passer le plat de spaghettis!

Et puis il y a les autres…ceux qui ont décidé qu’on était pas dignes d’intérêt! Qu’ils se fassent raper la peau du dos sur un corail de feu!

Heureusement, il y Arnaud, le proprio du surf camp et Paul-des-Sables-d’Olonne qui nous tiennent compagnie. Eux aussi, ils aiment bien le swell et tout et tout mais ça va… ils ne sont pas trop extrémistes dans le genre.

Après une nuit reposante, le petit dej nous attend. La secte de surfeurs est partie de bon matin ridder la vague, du coup nous sommes seuls au monde avec deux pancakes au chocolat…que demander de plus !

Pomelos frais
Chat au men

Sur les conseils d’Arnaud, nous décidons de partie nous balader dans les environs. Selon Arnaud, l’endroit est idéal pour randonner.

Avant ça, nous partons au village de Kerewei, à 5mn à pied du camp,à la recherche de Kretek à offir sur le chemin ( les cigarettes indonésiennes au clou de girofle) mais nous faisons chou blanc! C’est dimanche, du coup tout le monde sieste dans les environs!

Nous n’aurons pas de cadeau à offrir lorsque nous traverserons les villages. Dommage!

Suivant les directions d’Arnaud, nous suivons les chemins de cailloux blanc au milieu des cocotiers et petites collines vertes.

Effectivement l’endroit est propice à la randonnée mais chapeau obligatoire car le soleil tape fort!

Nous suivons le chemin indiqué par Arnaud pour nous rendre sur la plage de Watu Bella, une des plus belles plages de l’île selon lui.

Ce petit joyau étant plutôt bien caché, nous devons traverser un authentique village sumbanais pour y accéder.

Et là j’ai du mal à mettre les mots sur ce que j’ai vu mais je crois que ce moment complètement irréel restera gravé dans ma mémoire.

Imaginez un chemin de cailloux blanc zigzagant au milieu des collines jusqu’à un petit bosquet. Et là, caché aux milieux de arbres, un minuscule village traditionnel apparaît à nos yeux, nous sommes comme catapultés hors du temps.

Trois-quatres maisons au toit typique sumbanais, les ikats brodés à la main qui sèchent au soleil, les hommes avec les machettes à la ceinture, les femmes avec la poitrine dévêtue, le tout encerclé d’un petit mur de pierre…Un village d’irréductibles sumbanais! On s’attend à voir Panoramix ou Astérix sortir d’une de ces huttes et nous proposer un peu de potion magique!

Le plus incroyable, c’est que ce petit village caché au milieu du bosquet et semblant sortir de nul part est absolument invisible depuis les chemins.

Nous sommes un peu intimidés de traverser le village mais comme c’est le seul moyen d’accéder à la plage, on s’avance sur la pointe des pieds, de peur d’interrompre le calme qui y règne.

Les hommes nous interpellent poir nous proposer une noix de coco, nous leur promettons d’en acheter une au retour à défaut de pouvoir leur offir des cigarettes.

Une lueur bleue turquoise nous interpelle quelques mètres plus loin. Une somptueuse plage se dévoile devant nos yeux. Si ce n’est pas le paradis, ça doit y ressembler!

Les enfants du villages nous ont suivi jusqu’à la plage et nous regarde curieusement déballer Ogitu. Quelques mots d’Indonésien nous suffisent à leur faire comprendre que nous allons faire voler notre petit avion pour faire un film. Ni une ni deux, la joyeuse bande s’agglutine autour de Tibo pour regarder la vue du ciel.

Les enfants nous proposent eux aussi des noix de coco. Comme ils sont sympas, on décide donc de leur en acheter deux. Ils se lancent alors dans une course d’escalade de cocotiers, réclamant au passage des photos de leur acrobaties.

Nous improvisons une baignade dans l’océan indien.

Et là, horreurrrr!!! Des mouches de sable se mettent à l’attaque et me font fuir en courant. Les moustiques sont des enfants de coeur à coté de ces démons!

Nous poursuivons notre balade jusqu’à la plage de Marosi. Pour celà, nous devons repasser par le village, personne à l’horizon, c’est l’heure de la sieste…ce qui nous fait échapper à une indigestion de coconut.

Sur le chemin de Marosi, nous croisons de nombreux chevaux. Les Sandalwoods sont originaires de l’île de Sumba et encore régulièrement utilisés comme moyen de transport. Ces chevaux, particulièrement remarquables pour leur petite taille ont un rôle pré pondérants dans la culture sumbanaise, servant de dot aux futurs mariés.

Lors d’un mariage sumbanais, le futur marié doit en effet offrir aux oncles de la mariée un nombre de chevaux décidé par les oncles eux même. La premiere question lors d’un premier rendez-vous à Sumba n’est pas « comment t’appelles-tu? » Mais  » combien d’oncles as-tu? »

Nous poursuivons notre chemin au milieu des cocotiers et des collines jusqu’à Marosi.

Ces dernières heures, Marosi a été le théâtre d’affrontements sanglants…le calme n’est qu’apparent! Quelques jours plus tôt, la police a abattu un villageois qui manifestait contre un étranger s’étant approprié illégalement des terres en bord de mer pour y construire un resort. Le conflit est donc en train de monter en épingle. Le premier chauffeur de voiture que nous avions contacté a d’ailleurs refusé de nous conduire par crainte d’émeutes. Oui…les sumbanais de l’ouest sont sanguins, les sumbanais de l’est les considèrent d’ailleurs comme des sauvages.

Nous ne nous éternisons pas à Marosi et décidons de rentrer au Surf camp en passant par la plage de Dewa.

Nouvelle tentative de baignade, nouvelle attaque éclaire des démons!

Nous déjeunons au surf camp avant d’emprunter la vieille moto d’Arnaud pour nous balader dans la région.

La moto est vraiment vieille mais elle est étonnamment confortable.

Nous passons tout d’abord au niveau de l’arène à Pasola qui surplombe la mer. La Pasola est un évènement ancestral qui a lieu tous les ans entre Fevrier et Mars, mais la date précise n’est connue que quelques jours à l’avance. La Pasola est la commémoration du mythe de la princesse sumbanaise, tombée amoureuse de 2 hommes. Ne pouvant choisir, elle préfère disparaitre en mer dans la mer.

Le rituel démarre à la plage où a lieu la cérémonie de la récolte des vers sacrés, les Nyale, par le Rato (grand prêtre) puis le rituel d’appel à la Pasola. Cet évènement célèbre la venue de la déesse Ina Nale « mère des vers marins » et marque le début du repiquage du riz et d’un nouveau cycle de fertilité. Les pasola voient alors s’affronter deux groupes de combattants armés de lances.

C’est le calme plat du côté de la Pasola (normal, nous sommes en mai). Nous poursuivons notre route aux travers des collines couvertes de jungle.

Un peu par hasard, nous tombons sur un village traditionnel au détour d’un chemin. S’il semble moins authentique que celui de ce matin, les habitants semblent malgré tout toujours vivre selon leur coutume ancestrale.

Après cette visite, nous décidons de poursuivre jusqu’au Nihi Resort. Cet hôtel a été élu à plusieurs reprises meilleur hôtel du monde. Bill Gates et les Beckham en sont des visiteurs réguliers lorsqu’ils viennent accomplir leurs bonnes oeuvres à la Sumba fundation.

Notre intérêt n’est pas le resort en tant que tel mais plutôt les villages traditionnels des environs.

On a alors la brillante idée de vouloir couper à travers champs. Le paysage est certes sublime mais la route est affreuse. Pour couronner le tout, tout ça se termine en cul de sac. On est bon pour faire demi-tour!

Arrivés au niveau du Nihi, impossible de trouver les villages et même pas une super-star à l’horizon. On  rentre bredouille au surf camp en profitant malgré tout d’un magnifique coucher de soleil!

Le soir, nous retrouvons nos surfeurs préférés en pleine dissertation sur les planches de surf. Quelle curieuse espèce…

Le lendemain matin, il est deja temps pour nous de quitter le surf camp. Nous allons traverser Sumba d’Ouest en Est en faisant quelques arrêts sur le chemin.

Nous avons rendez-vous avec Mas Dedi à 8h mais à 8h10…toujours personne. Tibo finit par l’appeler…on dirait bien qu’on le sort du lit bien qu’il essaye de nous faire croire qu’il est dans sa voiture.

Une heure passe…on le rappelle. Il nous fait croire que sa roue est crevée mais on entend des bruits de vaisselles derrière lui! Finalement 2 heures plus tard, le voila qui débarque comme une fleur.

C’est parti pour la traversée de Sumba. Nous démarrons par la visite du village traditionnel Tarung, situé en plein milieu de la ville de Waikabubat. C’est un lieu étrange, entre misère et voyeurisme. Ca ne nous emballe pas trop….

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Notre second stop nous amène au Kampung adat Praijing. Il s’agit d’un autre village traditionnel mais cet fois, l’environnement est beaucoup plus agréable. Les villageois sont davantage accueillants.

Nous y vivons une anecdote amusante…Une villageoise, à notre passage, s’exclame devant sa fille:  » Regarde, des Javanais! » Les Javanais sont les habitants de l’île de Java, la principale île d’Indonésie. Dans l’imaginaire des régions indonésiennes reculés, les habitants de Java ont la peau blanche; comme des les clips publicitaires qui tournent en boucle sur les télévisions. Ils confondent donc les étrangers occidentaux avec leur propre concitoyens indonésiens.

Le troisième arrêt nous mène à Bukit Wairinding. Nous sommes du coté Est de Sumba et le paysage a drastiquement changé. La jungle luxuriante laisse place à un paysage de petites collines à la végétation grillée par le soleil. Le point de vue de Bukit Wairinding nous offre une magnifique vue sur ces collines.

 

Avant de rejoindre notre bungalow sur la plage, nous passons par Bukit Persaudaraan, un point de vue situé en hauteur et à coté de l’aéroport. Le lieu est surprenant, il ne manque pas grand chose pour se croire en plein milieu d’un ranch texan!

Le point de vue donne sur des plaines verdoyantes, couvertes de cultures diverses et variées.

 

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Au soleil couchant, nous arrivons enfin au Wera Beach où nous allons passer la nuit. L’arrivée est incroyable, on se croirait en Afrique, au milieu de la savane, sauf qu’au lieu de voir un lion sortir des herbes hautes; ce sont des enfants qui nous poursuivent en criant « Mister Mister ».

Nous avons réservé un bungalow en bord de plage, chez Nadine, une française installée à Sumba. La plage est très différente de celles de l’ouest, beaucoup plus sauvage. En l’espace d’une journée, on a l’impression d’avoir traversé des dizaines de lieux différents!

Nous passons un bon bout de la soirée à papoter avec Nadège, notamment du tournage du film indonésien  » Susa signal » qui a eu lieu dans son resort…toute une aventure.

La cuisine de Nadège est un délice pour les papilles. Pour la première fois depuis notre départ de France, je mange des aiguillettes de canard… un régal.

Le lendemain matin, sur les conseils de Nadège, nous décidons d’aller visiter les fabriques d’Ikat avant de prendre notre avion retour pour Jakarta.

Le savoir-faire sumbanais en terme de teintures et tissages d’Ikat est reconnu dans le monde entier. Le mot ikat vient de l’indonésien mengikat, signifiant lié en indonésien. Le process de teinture et tissage demande en tout et pour tout 41 étapes de fabrication!

Notre guide nous amène dans un endroit incroyable: la fabrique d’Ikat dans laquelle Hugo Boss se source pour ses défilés. Et en effet, c’est sublime.

Malheureusement, le maître taneur-tisseur n’est pas la, il vient de s’envoler pour Jakarta afin d’y présenter ses oeuvres. Dommage pour nous car la beauté des tissus en cours de fabrication nous laisse penser que l’on aurait pu craquer pour une belle pièce…

Face à notre déception de ne pas pouvoir rapporter un Ikat, notre guide nous propose de nous amener dans un village où nous pouvons en acheter à moindre prix (et moindre qualité).

A notre arrivée, ça sent le traquenard à dix mille…nous comprenons que le guide nous a amené dans sa famille. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous sommes entourées de vendeuses d’Ikat. Seulement après les sublimes ouvrages que nous venons de voir, rien ne nous plait vraiment.

La situation est gênante, la famille nous a installé à leur table, nous offrant café et popcorn chaud, les vendeuses sont en rang d’oignon autour de nous…on se sent un peu contraints. On finit par jeter notre dévolu sur un petit ikat et une paire de boucles d’oreilles (après quelques recherches, je me rends compte que ces boucles d’oreilles représentent…des vagins!). Ensuite, la famille insiste lourdement pour nous faire essayer le costume sumbanais. N’osant pas refuser, nous nous retrouvons complètement déguisés et franchement mal à l’aise.

Nous nous déshabillons aussi sec et c’est à ce moment que la mère de notre guide nous annonce que nous devons payer 100 000 roupies pour la séance de déguisement, une fortune pour l’île!!! La voila, l’arnaque bien rodée.

Après cette mésaventure, il est déja temps de rentrer à Jakarta. Malgré la fausse note de la fin, nous avons vraiment adoré Sumba.

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Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Le Fort dit :

    Merci pour les eloges !!! Vraiment desolee en revanche concernant les ikhats. Je ne peux qu insister sur le fait de choisir Erwin, qui vous a donne l adresse de la fabrique.
    Nous organisons maintenant des expeditions dans le Sud, une nuit glamping au bord d un parc national ( oiseaux de paradis, petits singes etc)
    Diner aux chandelles au bord de l ocean indien…. 😀
    Merci encore !

    J’aime

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